Debout les soldats de la mort !

Debout les esprits en tourmentes au vol rasant, raclant le
sol de leur chair spirituelle, comètes en fin de vie, suicides fiers,
n’abandonnez pas le lit qui est le vôtre, couche nuptiale à votre folie, royal
destin dans l’infini.

N’abandonnez pas mon corps, n’abandonnez pas ma vie. Veillez
sur le rivage de ma septième vie, mon troisième œil – ô Satan, Prince du
Mal, avenante folie, donne la gorgée suivante de ta coupe jamais tarie, plus
encore, il nous reste de la vie, ne restons pas à terre, là-bas on sent encore
l’odeur de la chair. Carnassier, lève-toi de ton charnier ! Massacreur,
ton trône de cadavres veut te garder – retourne vers la vie pour encore
tuer !

Redresse ton buste, raffermis tes nerfs et ta volonté, revêts
ta cape et rappelle tes destriers, chevauche à nouveau ta fierté.

Là-bas le temps liquide continue de monter, les terres sont
noyées, les collines reformées, une tour nouvelle à chaque journée.

C’est le temps même qu’on voudrait laisser de côté.
Abandonner le jour, abandonner le train, laisser trainer les avancées communes
et modestes, ce cordon auquel nous sommes enchainés, le trancher. Il nous reste
un pas à faire vers la noirceur, vers la candeur.

L’hiver et ses quartiers, hibernant, état de fait, triomphe
des navets, l’ours en sa tanière est rongée par la vermine zombifiée.

Où est passé le divin luxe ? L’orgiaque volupté !
Les sens déchainés, voraces et illimités ! Il reste tant à jouir, de murs
à fracasser, de vies à briser, de mondes à enchanter, d’enthousiasme à surfer.

Du haut de l’Olympe – j’y suis autorisé – les
yeux pleuvent d’un rire éclaté, saccadé, démonique. Les sombres nuages, noirs
d’électricité, se jettent sur le monde foudroyé.

C’est la clameur d’un au-delà délaissé, un monde de sueur oublié. Reste en mon cœur, l’araignée ! laisse-toi donc torturer, l’infâme. Bientôt tu verras à la
lueur de mes yeux carnassiers la sublime valeur de ton malheur mérité.

Il nous reste, ma sœur, tant à négocier. Ce démon que je
chevauche et qui m’a possédé, te volera ton âme à l’arrachée, te laissera seule
et délaissée, pour qu’à ton tour tu paraisses, obscure comme mon cœur à mes
côtés, d’un sublime malheur plein de santé. Nous n’irons pas là où les mondes
sont ternes, là où il ne reste que les satisfaits.

Nous irons où le monde vient à son terme, où les rocs sont
des pics glacés prêts à vous transpercer et nous seront l’un à l’autre comme
deux entités haineuses et complémentaires, nous accomplirons une destinée
écrite en lettres rouge, lisible aux cœurs saignés.

Retire ces chaines de débauchée, retire ces petites armes
d’enchainée, prends la main de l’entièreté. Sublime ton âme à ne voir
en ton cœur qu’un malheur calculé, glace tes ardeurs par un froid cassé, jouis
du bruit de ces éclats au sol éparpillés, nul ne sait combien de temps encore
résonneront les tintements de ces morts par milliers ; pour moi encore
elles entonnent un écho inégalé et leur clameur s’étend comme pour durer à
jamais.

Il n’est aucune justice entre les mains du ciel. Les
diamants se logent dans les petites parcelles de sort que la vie recèle. Elles
sont nos mains, nos pieds, nos sublimes libertés, nos armes affutées et nos
charmes envoûtés, elles sont nos calculs méchants et les portes dérobées d’un
univers encore à créer, elles sont les chemins obscurs jamais empruntés qui
t ‘appellent dans la noirceur des villes surpeuplées, dans la ligne avortée
du maître contrarié, dans les élans de santé des êtres de bonté.

Alors avant de te décider pour un bonheur que tu connais,
laisse ton regard et ton cœur errer l’espace d’un instant non dénombré, le long
de la pièce que tu crois habiter, et vois dans les recoins oubliés les contours
s’agiter, les monstres se faufiler, ils sont ce monde qui t’appelle par-delà
les vérités, le monde des peurs et des libertés qui attend, moqueur, d’un jour
être apprivoisé.