Une silhouette, écrasée par des trombes d’eau féroces et froides, presse son pas élastique, le transformant en un trot entêtant. Si les querelles des temps passés creusent les chairs malgré les supplications de nos coeurs lâches, il existe une poignée d’âmes faites pour s’entre-pardonner, de tout, d’absolument tout, sans risque et sans zone d’Ombre.
mon Amour,
je t’en conjure,
ne garde de moi que la tendre frénésie de mes sursauts splendides, sous peine de te rétamer. Je ne comprends vraiment pas ce que tu as pu me trouver, ni toi ni l’autre, ni comment, foutre Dieu, tu as eu envie de nos deux corps soudés.
Face au mur de glace imposé à nous par les regrets, autant jouer de prudence. Le survoler, d’un battement d’ailes indifférentes, pour se poser loin des rebords, dans les bras d’une nymphe nouvelle. Je ne crois plus en la Mort, pas plus que tu ne crois en moi. J’ai mal aux dents, à force de mordiller mes mains. Sales et maladroites, devant ton corps, en pâmoison, je les compare à deux coléoptères aux ailes tranchées. Inutile de courir, ils sont immobilisés. Sous la gorge des étoiles, rigole une femme aux oreilles coupées. Je crois me reconnaître entre deux tintements de lune, joué par un petit garçon de bois, les jambes serrées autour du cou d’un animal au pelage tout pelé. Ça et là, des touffes de poils, indisciplinés, régulièrement carbonisés par le souffle d’une mandoline quadragénaire au long cordage de feu. Le même qui crépite dans l’âtre de mes peines, vorace et obstiné, à l’image de ces putains de mélodies habitées par je ne sais quelle entité mystique. Passe-moi le peigne de nacre, le même qui jadis coiffa les restes de notre fillette morte dans tes bras, démêle les fibres mousseux de nos cœurs, je t’en prie, ne t’approche plus sans raison car mes organes ne tiennent pas le coup. J’entends sonner le cor, le tout Puissant part à la chasse, flanqué de ses trois loups, terribles créatures aux crocs de métal ——- l’heure tourne, tourne autour du vase à l’oreille cassée — j’irai ouvrir tes lèvres , avec la baguette d’un xylophone qui portera ton nom. Regarde, sur l’étagère, entre mes sourires et ta raison, jolie môme crois-moi lorsque je te murmure « je t’aime » , sans doute une faute, au goût citron.