Trimballant son mioche d’un plan à l’autre comme un vagabond sa mélancolie, Suzanne déstabilise ses proches avec aisance. L’objectif a parfois du mal à la suivre, semblant ne jamais réussir à la cerner ; son père, perdu sur d’éternelles routes invisibles ne percute pas grand chose. Largué devant l’éternel, ses deux gamines sous le bras, le bougre se donne du mal pour tenter de les faire survivre, malgré la distance qui les sépare – car même s’il peut les toucher du bout des doigts, Suz’ et sa frangine font bel et bien partie d’un autre monde. Monotone et apaisé pour l’une, langoureux / décérébré pour l’autre. Les deux midinettes se jettent à corps perdu dans l’aventure.. Rien ne trouble leurs plus profondes pulsions, pas même les murs moites d’une prison sans amour. *Katell Quillévéré* dirige son film avec intelligence : des luttes et des remous, il en saisit l’essentiel, découvrant avec délicatesse toute l’étendue de son carnage : Suzanne , à l’instar des véhicules lancés à fond sur le bitume craquelé, n’est qu’une insaisissable chimère dont l’âme entière appartient à un colosse aux mains d’argiles. Mais, pour combien de temps?