Au fin fond d’une vallée obscurcie de tristesse, dans la lourde chaleur d’un soir d’été, se tient une ombre gigantesque et calme, à quelques centimètres d’un cours d’eau. Aucun souffle dans l’air, pas même le bourdonnement habituel des nombreux insectes, voletant dans le coin. Les pieds de l’homme à la peau de cuivre impriment sur les brins d’herbe qu’ils foulent, une marque irrévocable. Marque brûlante de haine que le Cheyenne porte comme une seconde peau. Les fourrés tremblent, un homme en sort lentement. Sa figure, rayée par des lignes obscures, ne laissait rien transparaître de bon ou d’avenant. Deux yeux sombres, comme la nuit, fixent l’indien, sans sourciller. Quelques centimètres en dessous des deux points fous, frôlant un nez droit et dur comme la pierre, tombaient les deux bras d’une moustache noire : on eut dit qu’ils cherchaient à rentrer sous terre, pour se planquer..
L’indien ne bougeait pas et fut bientôt rejoint par le capitaine. Silencieusement, ils marchent le long de l’eau, leurs épaules se frôlant parfois. Au dessus d’eux, leurs âmes, moites de sang, tournoient à pleine vitesse, coupant net les reflets du Temps.
Ils n’ont pas besoin de remuer les lèvres pour se comprendre puisque tous deux sont forgés du même matériaux.
Les multiples duels qui parcourent le film n’ont rien en commun avec le classique dégainage de flingue entre deux mecs couverts de sueurs au beau milieu d’une ville en émoi. Non. Les protagonistes d’Hostiles se battent à coup de regards, se glacent mutuellement les veines à la force des mots, et surtout, surtout, se disent beaucoup en taisant tout.
Ce qu’Hostiles réussit le mieux, en dehors de quelques scènes d’action franchement plaisantes, c’est à « placer » ses personnages et leur donner une consistance. Le réalisateur joue avec l’espace et laisse une part de choix à la nature pour qu’elle s’installe, à chaque plan, complètement dans le cadre et puisse guider, à sa manière, les protagonistes.
Plaine dégagée propice à une attaque sanglante, petite clairière moelleuse en guise de chambre nuptiale, poussière aride et sèche comme sol pour éponger la honte, autant de lieux et de matières enclins à recueillir et réfléchir les souffrances de ces êtres torturés. Mon esprit est trop faible, la colère m’a rongé – et dans les bras de la veuve aux cheveux d’or, j’essaye de retrouver la raison.