Je rêve d’une femme au menton droit, souligné par une ligne fine qu’aucune main impure n’aurait encore souillé. Des yeux de biche couleur myrtille me dévorent en silence, plantés des deux cotés d’un nez crémeux aux narines joueuses. Une lady fraîche et digne, à l’image des demoiselles d’époque, sorties tout droit d’un film en noir et blanc.
Une sensation d’abord, inédite, inattendue : la nuit nous livre ses secrets de ce que l’on pourrait appeler « la renaissance ».
Abandonnés,
comment survivre jusqu’au petit matin ?

Coucher son corps entre les draps mornes et solitaires d’un lit une place n’est pas une mince affaire, lorsque depuis plus de 10 ans, les êtres chauds ont troublé vos nuits. C’est un bond gigantesque opéré en arrière; faut se remettre dans l’état d’esprit d’antan. Gosse éclairée à la lampe torche jusqu’à pas d’heure, des livres immenses coincés entre les genoux, la tête couverte par une couette colorée. J’ai chaud sous ma mémoire en laine, tricotée par maman.
Il me semblait l’avoir toujours dans mon oreille, ce souffle régulier d’ourson au parfum de vanille, jusqu’au matin de l’exécution

sommaire des sentiments.

J’arrête d’écrire sur elle, l’Amour est passé,
et puis aux affres de la passion à sens unique je préfère très largement les plaisirs éphémères d’amitiés aux lignes acides

J’ai la frimousse d’un chien hagard, la peau creusée par les récentes incompréhensions.
L’attendrissement me gagne, lorsque je songe à tous ces êtres que les lâches ont abandonnés. Je lève sur elle un regard intrigué :
« jeune fille, dis-moi, à quel moment as-tu cessé d’aimer?  »

C’est mon reflet qui se fait avoir : cherchons la tendresse sous l’édredon vermeille, levons nos verres au temps qui file entre nos veines. Une femme sans coeur planquée sous le peignoir d’un inspecteur à moustache mordille sa chair avec avidité; lui, pose ses grosses mains sur sa minuscule poitrine rappelant celle d’un enfant – autant mourir de honte ce soir !
Pour revivre
je compte sur
moi