J’ai pris en mépris l’homme pour pouvoir l’aimer, j’ai percé mes tympans pour pouvoir entendre, j’ai haïs mon sang pour pouvoir en être fier, j’ai pris tous les poisons qui m’ont été offerts pour comprendre ma clémence, j’ai fuis le monde pour comprendre l’amitié, et au cœur du désert je suis allé mourir sans espoir de renaitre. Je suis allé me damner pour l’éternité pour devenir éternel. Et sur ma gueule le sceau de Kain n’a rien de stylé. J’ai couru toutes ces courses et jeté les trophées, les médailles, les preuves, il ne me reste que l’indéchiffrable sur la gueule.

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Vous qui avez su le temps d’un jour, ou le temps d’une heure, être poète, vous qui de l’Histoire avez perçu l’immensité comme la petitesse, dans un mot, une mort, un os qui craque, une odeur inconsidérée, le reflet d’une lame, l’avenir d’un regard, la dentelle d’une société, le pieux d’un amour, vous qui n’avez vraiment peur que de vous-mêmes, vous lâches qui laissez vivre le dernier couple de cafards qu’on nomme présent et éternité pour toujours pouvoir racler votre peau malade et vous plaindre de l’insalubrité de ce monde en nous tendant au visage l’insecte grouillant tiré de votre tignasse malsaine. Vous qui avez encore une religion : vous, les sales poètes, écoutez pourquoi mes cheveux sont ras et qui est Cory Arcane.

Dans la tiédeur prégnante du temps maté, je prends mes quartiers tandis que rugissent alentours des soldats vociférants comme les démons de l’enfer. Le temps des glorioles et des espoirs déchus gravite alentours. Mille rêves se déforment à mesure que l’œil qui se croit maitre leur fait prendre toutes les tailles du grotesque ; minuscule, gigantesque, démesuré en somme.

Et moi je touche une terre de sable que toute ma vie j’ai cherchée. Le temps a fui comme disparait l’immonde plainte vagissante d’un rhumatique sur les bords généreux de l’Eden. Dieu et ses légions de fanatiques de toutes formes et de toutes tailles sont encore à crier : sens ! Sur le granit cruel ils raclent leurs pieds en sang en cherchant à faire des sillons comme j’en trace dans la douceur du sable.

J’aimerais – comme si j’y tenais – vous faire sentir la vibration qui m’ébranle quand on m’y ramène, qu’on me présente à nouveau ce bon vieux temps présent comme un cadavre puant sous le visage, quand j’ai l’impression de voir s’agiter des enfants possédées de douleurs, de tristesse et de désir de ne savoir ni de ne vouloir grandir. Mais même ce cadavre puant sous mon nez ne m’ébranle plus, j’ai connu pire. Et pourtant, quand un petit moderne vient me vendre son salut des temps présent comme on nous refourguait autrefois Satan, toujours à coup d’amour et de haine – vieille recette – je giflerai comme il le mérite ce petit marchandeur d’affects.

J’ai en poche l’or de Judas que j’ai trahis et je me remémore en riant les regards de ceux qui ne lisent l’avenir que dans leur croyances. Doit-on encore justifier le paradis par égards pour la terre ?

Il me semble parfois dans mes rêveries anglaises que l’esprit est désormais aussi peu libre que la terre. Et on a apporté dans les jardins parfumés, parmi les fontaines, les chuchotements et les voiles légers la clameur du charretier plein de « bon sens » parti sur le front napoléonien pour des idées alors qu’il pense à peine depuis trois jours. L’esprit serait-il le nouveau front russe ? Vivement Waterloo !

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