2012
La corolle éclatée d’une chouette effraie s’ébroue sur la
pochette aux teintes de nuit. Ses plumes sombres chatouillent les bords
du cadre, qui, traversé d’ondes discrètes, tord ses angles de plaisir.
L’oiseau Ténèbres plante ses griffes dans l’écorce en vinyle du disque,
prêt pour la chasse : ses ailes battent la mesure, tranchant
vigoureusement l’air saturé d’insectes – éberlués, ces derniers
zigzaguent (au hasard) par petits groupes, vomissant des cliquetis de
trouille, écrasant leurs antennes contre les arbres, se télescopant dans
la plus totale incohérence.
Brassant ces armées d’éphémères avec indifférence, la chouette prend son
envol, laissant dans son sillage mille cadavres flottants, à peine trop
légers pour retomber au sol..

Les membres de Fauna, à la manière de
l’oiseau Roi, articulent leur disque autour d’un squelette nocturne
monolithique, traversé de toutes parts par de multiples fulgurances :
coups de griffes, , hurlements désespérés sur fond de distorsions
enragées, l’atmosphère se veut sauvage, hostile. Pourtant, par-delà
l’escadron de riffs sombres et obsédants, s’immiscent quelques rayons
d’espoir. Une poignée d’accords d’une pureté cristalline humectent
l’obscurité et répandent leur lumière , tout comme l’aurore avale la
nuit, au compte-gouttes, sans se presser.

Soaring into Earth et ses pépiements d’oiseaux au goût ortie,
pose les fondations végétales nécessaires à l’épanouissement du reste de
l’album. N’hésitant pas à varier les plaisirs, le groupe invite
violoncelles et voix féminines à venir partager leur mélancolie au
hasard des portées, renforçant le côté mystique des morceaux.
Subtil et langoureux, Avifauna possède une
aura démesurée de bête farouche, qui d’emblée nous happe dans ce monde
onirique dont on ressort secoué, les membres couverts d’humus.
Avec un peu de chance, à la prochaine écoute, si l’on tend bien
l’oreille, on entendra la chouette, revenue de sa partie de chasse qui
doucement se blottit contre l’écorce, la mine fatiguée mais sereine
d’être, à jamais, indomptée.