Kelly Reichardt – 2014

Tapie au sein de l’obscurité rassurante d’une nuit sans étoile,
l’embarcation glisse sa carcasse assassine en un clapotis discret. A son
bord, 3 fantômes, le regard braqué au loin, devinant l’objectif,
immuable construction de béton vêtue, coulée par les hommes, dressant
son indécente silhouette par delà les flots. Le coup est méticuleusement
préparé, pourtant, c’est bien l’ombre du doute qui flotte au dessus des
têtes. L’échine courbée, un bonnet sombre enfoncé jusqu’aux yeux, Josh
s’adonne sobrement aux tâches à accomplir, omettant carrément d’assurer
ses arrières : le gamin, aveuglé, happé par la Nuit, tourne le dos aux
relations humaines, préférant se murer dans un silence aux poses
effarouchées de bêtes sauvages. Ce sont bien les éléments naturels qui
agissent à la place du garçon. Lui qui bouillonne de l’intérieur trouve
une réplique parfaite à sa placidité en ce flot meurtrier de la rivière
qui, enfin libérée, s’amuse à faire ce dont il est incapable :
submerger, envahir . Kelly Reichardt apprivoise la nuit, la filmant
d’abord avec retenue, par bribes, pour ensuite en draper totalement ses
personnages : tout ce qui apparait dans le cadre est englouti, au fond
des yeux du type elle brûle, s’étend jusqu’à bouffer son âme . L’enfant
borné, au service des Ténèbres, doucement se consume sous le joug de
cette entité millénaire dont il semble avoir été forgé, pas tout à fait
prêt encore à se laisser mourir.