Dalton Trumbo – 1971

Le râle asséché d’un tambour blessé rythme la démarche mécanique d’une
flopée de soldats décidés à en découdre ; leurs bottes s’enfoncent dans
la glaise sanglante du front, écrabouillant du talon leur destinée
funeste, Johnny fonce tête baissée contre le corps de cette jolie fille
au regard azur, salé comme un sorbet de larmes ,transperçant les
ténèbres à bord d’un train assiégé de fantômes… 
La caméra économise
ses forces, en totale symbiose avec le corps déchiqueté du jeune
combattant voué à l’immobilité ; au fond de la tranchée crânienne,
branle-bas de combat!
L’armée des rêves piétine avec splendeur souvenirs
émaciés et autres pensées décharnées .. Lorsque doucement des lèvres se
posent sur le torse vibrant du petit soldat de plomb, la nature reprend
ses droits, envahissant sa chair de pulsations d’insectes, noyant ses
membres dans les doux rayons d’un astre oublié. Le travail sur la
lumière est hallucinant : jeu d’ombre et de clarté, coloration
changeante, l’objectif pour unique champ de vision, témoin intransigeant
de cette croisade contre l’interdiction de mourir. La jeune voix de cet
enfant de guerre résonne à chaque plan, guidée par une musique onirique
aux rythmes tendus, cognant ses échos furieux contre les murs de sa
prison, plus seulement corporelle, tremblements de l’âme à jamais
condamnée