à tes mots,
je me précipite et m’éparpille dans l’univers. Il fait un peu froid. D’étranges étoiles cliquettent des phrases incompréhensibles à mes oreilles et la plus petite d’entre elles me tend une toile ainsi qu’une poignée de pinceaux. Je me mets à barbouiller des lèvres de grenouilles humides et insolentes qui frémissent comme des cordes de violon. Plus le tableau avance, plus ma raison se gâte et se désagrège, semant des petits bouts de moi un peu partout. Ils sont lisses comme des cailloux à ricochets et, sous le regard amusé des étoiles, ils se métamorphosent soudain en comètes rugueuses. Vaillamment, les voilà qui dessinent des griffures blanches sur la joue de la nuit, couchée sur le flanc. Borgne et toujours d’humeur étrange, elle ne remarque pas les gouttes qui s’écrasent sur mes orteils, ni le hurlement désespéré que je pousse en son honneur. La mousse fraîche qui enveloppe la forêt a avalé mes cris, inaudible piaillement d’un animal coincé, totalement pris au piège; les herbes hautes inondent ma conscience; alors, je me retrouve à chialer au beau milieu d’une putain de clairière infestée de souris. Nous ne sommes que des chiots malades au pelage rabougris, dont les entrailles pourrissent au rythme des saisons. Maudite soit cette Aurore qui m’a tirée trop vite de mes songes. J’ai pour toujours perdu la trace de ces deux ombres amies qui déambulaient sous mes yeux, en riant.
Regarde ! Elle a le cœur à demi mort, déchiqueté par des chiens de chasse dont les maîtres, tous complètement névrosés, agitent leurs fusils dans des bruits de squelettes.. C’est bien ces fils de pute qu’il faudrait empailler ! J’irai poser des pièges à loups jusque dans leurs rêves, et toi, TOI, j’ai hâte de te retrouver, ma jolie chienne clonée; je fourrerai mon nez dans ton pelage, m’enivrant des odeurs d’argile, de fleurs et de tristesse qui émanent de ta peau tiède . Mes doigts passés autour de ta nuque, j’enfourcherai ton échine et tu m’emmèneras dans les recoins les plus reculés de la terre, ta folie.
Aliène peut se targuer de raconter l’une des plus belles histoires d’amour qu’il m’ait été donné de lire, entre cette fille un peu paumée (qui me fait penser à nous toutes), et cette chienne mystique et effrayante, capable de mordre les âmes et de se régénérer. Le style est imbibé de colère et saturé d’odeurs, j’ai dévoré le livre d’une traite.