L’aurore se dresse doucement par-delà les rochers, et, lorsque les premiers rayons de soleil arrosent les visages tirés des danseurs, quelques gerbilles se risquent à apparaître, humant l’air de leurs petits museaux trempés. L’atmosphère a des relents de fin de vacances et pousse les fêtards, dépités, vers leurs demeures respectives. Penchés au dessus du sol, leurs baskets flinguées foulent silencieusement paquets de clopes vides , gobelets souillés et autres machins lâchement balancés à terre pendant la soirée. 

Mais d’entre toutes ces ombres anonymes à la sueur acide, l’une d’elle attire mon regard.
 
cela fait 5 minutes qu’elle remue son corps en silence, sans musique, le visage mangé par une capuche aux contours incertains. Les pointes de ses cheveux, qui chatouillent son menton, accrochent partiellement la lumière, on penserait qu’elles sont gorgées de miel. Difficile de ne pas s’attarder sur ses bras qui caressent les courbes de ses hanches, décrivant parfois de petits cercles hallucinés à quelques centimètres de sa chair . L’hypnotique ballet me fait oublier le reste. Je pourrais aisément rester des heures à la contempler, les arbres en tomberaient de fatigue mais je serais encore debout, les yeux écarquillés, braqués sur son visage au teint légèrement hâlé, incapable de faire le moindre geste, tremblant d’une admiration craintive propre aux animaux sauvages.
L’aile inutile d’un Phoenix au gout de Cendre
Tourbillonne contre sa joue tendue
 
L’ombre de mon âme à tes yeux éternels 
S’efface peu à peu sans laisser de trace 

à quelques mètres de nous s’agite une salamandre . Sa queue fend l’air en des mouvements désordonnés, prise de folie ou tout simplement las de lutter, la voilà qui se couche à mes pieds. Lentement je m’agenouille à ses côtés, et pose ma main sur son échine : glacé de solitude, le petit animal cesse peu à peu de respirer. Les cimes des arbres entament alors une triste litanie, qui me ravage intégralement le crâne, je prends conscience de l’égoïsme de ma situation. 

Lorsque je lève la tête, tu auras disparu.