En surface tout semblait se dépeupler : les arbres perdaient leur visage tandis que les hommes oubliaient peu à peu l’art de la Guerre. Planté au coin d’une rue Lyonnaise, ganté de noir, l’oeil perçant, Ashe 22 bombe le torse à l’approche d’une voiture remplie de flics. Chevalier sombre aux poches remplies de coke, fraichement libéré d’un donjon dont les murs pourris de blattes ont essayé –en vain– de le mettre à genoux, Ashe dégaine deux clips hallucinés, Sunset et Bracelet, deux morceaux aiguisés à la rage et à la came, électriques et fascinants comme une bataille dantesque entre deux armées enragées sous l’orage du siècle. Ce qui me fascine, c’est l’aisance avec laquelle il pose ses lignes, puissantes et incarnées, sans jamais se laisser aller à l’insulte facile ou aux comparaisons douteuses. Dans la ville défaite aux rues jonchées de cadavres, il incarne une résistance lettrée aux poings de feu qui s’éclate à cribler de coups cette blague qu’est devenu le Saint Royaume de France. Ashe en croisade contre l’ennui, épaulé par tout Lyonzon, meilleur collectif de rap au monde, honorant les cendres de ses frères tombés au combat, les jambes plaquées sur sa monture fumante, roulant de nuit et zigzaguant entre des cadavres encore tièdes ; si c’est vraiment la fin du monde ce soir, c’est aux côtés d’Ashe que je souhaite combattre.