Au carrefour des techniques miraculeuses, les rêves millénaires prennent forme dans l’étincelle électronique de la matière. C’est la fin des rêves : accomplis, domptés, l’homme s’en réveille, leur lance un dernier salut funèbre et va recueillir ses oreilles auprès de la musique nouvelle : les premiers vagissements que pousse le monstre électronique. Le golem naissant réduit d’un éclair les dieux des temps anciens dont la plainte n’est rien qu’un adieu trop tragiquement faible.

Automat annonce l’ère des hypnoses cathodiques, de la spirale sans fin du reflux informatique, qui scotche miraculeusement les croyants de son nouveau mythe ! Il annonce la mer indomptable du réseau et son pavillon noir, le vent de liberté qui souffle dans l’ère nouvelle aux horizons dessinés à nouveau loin, très loin, vers un inconnu et un danger retrouvés.

Son chant est une comptine enfantine, chant du cœur de ces adolescents sacrifiés de leur plein gré dans leur chambre aux pixels de l’anti-réalité. Fils de la mer d’information codée, obscure et mystérieuse aux non-initiés, chaleureuse, porteuse d’espoir et riche d’avenir pour qui s’y sent vivre, pour qui y est né et y puise ses racines spirituelles. L’infini virtuel à disposition de chacun ou l’initiation de masse à la mystique du réel sans le biais d’aucune religion autre que Nintendo ou Sony. L’esprit traverse l’écran et se dissout dans l’infini sans matière. Le culte de la machine fait naître son héros à l’esprit laminaire, implacable, fait de calculs et de logique, de 0 et de 1.

Mais le nouvel océan maternel et porteur d’infini s’épuise comme les éternités précédentes. Il s’écoule à son tour sur le dernier canal, le Styx légendaire. Premiers pas des robots dans les enfers : c’est à leur tour de se laisser taire par le mystère. Leur sens à peine né doit mourir. Le golem de fer avale d’un coup d’un seul le liquide épais et amer, mémoire de l’humanité toute entière qui n’a jamais eu d’autre rappel que « tout est vanité ».

Kheops, Akhenaton, Abraham, Salomon, Xerces, Néron, Paul et leurs petits frères continuent de prendre peu à peu de l’immensité insignifiante de l’éternité tandis que s’effondre auprès d’eux la machine nouvellement inscrite au registre des mythes intemporels. De nos jours on consomme les dieux aussi sec car on sait les larmes bien plus chères que le transport des prières.

Les tambours, les lyres, les violons, les pianos n’ont plus de matière tangible désormais, ils semblent parler de la voix d’outre-tombe de Mozart et Beethoven. Faits de poussière, ils chantent la mélancolique poussière. La voix moderne s’est faite électronique, c’est ainsi que nous entendons la musique : le chant de l’âme et de la Terre que nous avons rendue informatisée et industrielle, cruelle et logique. Les cloches synthétiques annoncent une ère nouvelle, un nouveau naturalisme où les machines et les tours de fer poussent et vivent comme des plantes et où le poète grâce à cette musique peut puiser des vers organiques dans les débris merveilleux de l’ère technoïde.

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