(2014)

Pendu par l’oreille au pot d’échappement d’une vieille R5,
Teddy l’ourson racle son arrière-train douillet contre le bitume, affolé
par la quantité astronomique de gaz d’échappement qu’il ingurgite. Il a
beau agiter ses petites pattes rembourrées en tous sens, la voiture ne
décélère pas. Désespéré, l’ourson tente de saisir quelques gravillons au
vol, amères postillons crachés par l’hostile chaussée -en voilà un!!
Les larmes aux yeux, Teddy commence à trancher son oreille afin de se
libérer, les coutures cèdent sous l’effort, encore un fil ou deux ….

Le voilà qui tourbillonne en l’air quelques instants 
—— 
retombe
truffe la première dans l’herbe sale du bord de la route. 
Orphelin d’une
oreille, Teddy inspecte le reste de son petit corps en peluche, tâtant
son dos à la recherche d’éventuels égratignures.. Juste au dessus de sa
fesse droite, un trou. Il enfourne comme il peut le rembourrage qui s’en
échappe et se met en route, coupant à travers champs, s’éloignant le
plus possible de cette autoroute de l’Enfer.

Les heures de marche épuisent l’ourson. Il se laisse tomber au pied
d’un arbre centenaire, pose sa nuque contre le tronc raboteux ,
s’accordant quelques instants d’un repos bien mérité.

Le voilà tiré de son sommeil agité par le ricanement d’un saxophone
sans-gêne, collé de près par une basse aux cordes lascives qui penche
son manche à quelques centimètres du museau apeuré de Teddy. De la cime
de l’arbre dégringole une mélodie folle, tout juste échappée d’un
clavier maboul, l’épaisse cacophonie enveloppe l’ourson , l’obligeant à
danser. Les instruments rigolent, la batterie éclate ses baguettes
contre les racines de l’arbre excédé, des écureuils siphonnés du gland
grignotent avec une frénésie carrément démoniaque les épaisses branches
du vieux feuillus; Teddy, enivré par la musique, virevolte de droite à
gauche, balloté, malmené, bercé, il ne sait plus où donner de la tête…

La fin de l’album est proche , mais c’est dans les dernières secondes
que se déchainent, au-delà du possible, le rythme et les musiciens.
Dans un ultime élan provocateur, le groupe envoie valser le réel ,
conscient du choc -délicieux- occasionné.

C’est d’un pas légèrement groggy qu’l’Ourson reprend sa route , avide d’autres aventures du genre.