Scott Cooper – 2014

Une main crevassée où s’emmêlent de lourdes années de labeur, pince
habilement les cordes d’un instrument malade. L’aciérie, comme un
refrain fredonné de la bouche d’un souvenir, revient sans cesse,
dressant ses immenses tubulures gorgées de fonte sous la trachée des
nuages, crevant le ciel et l’espace, empêchant les êtres de progresser
librement.. Une poignée de ploucs, vaguement familiers, luttent de
toute la rage de leurs os meurtris contre ce destin brumeux aux
phalanges rouge sang ; courbant l’échine face à la violence mais jamais
face au danger, Russell Baze encaisse sans sourciller l’avalanche de
coups bas qui lui fracasse l’âme, voilant sporadiquement son regard. Le
chien fou, son jeune frère, gratte frénétiquement la terre stérile de
son existence menacée , mordant maintes fois la poussière, reniflant la
mort comme d’autre la came sur le dos d’une cuillère rouillée. Les
allers-retours entre l’antre de la bête et le bercail à Braddock sont
les seuls instants de quiétude octroyés aux deux frangins; même contre
la chair de sa promise, l’inlassable ouvrier est tiré du lit.. L’appel
de l’aciérie résonne entre les trois accords de cette guitare
ensanglantée, l’arme au poing, l’esprit délié de toute matière, l’homme
appuie machinalement sur la détente, ultime exhortation au repos
éternel, sans bruit, le mirage s’estompe..