Je t’ai tout de suite imaginée dans cet endroit, un jardin bordé d’arbres en fleurs dont les troncs, criblés de cigales, craquent sous les rayons orange du soleil. Le petit déjeuner est servi sur un long buffet collé au mur extérieur de la salle de réception, à proximité d’une petite table ronde encadrée par deux chaises sur lesquelles trônent des coussins rebondis. Les portes fenêtres sont ouvertes, facilitant les déplacements des serviteurs qui s’affairent silencieusement sous ton regard amusé. Je m’installe à la table et sors une cigarette de son étui, te suivant du regard. D’un pas léger, tu enjambes le seuil et t’installes derrière le lourd piano de la grande salle, la salle de bal que tu aimes tant. D’immenses tapisseries mangent les murs et le sol, entièrement couvert d’épais tapis orientaux, a depuis longtemps perdu toute notion du temps. À peine tes doigts effleurent les touches que déjà, tu m’as oubliée; au-dessus de toi, les lustres majestueux se balancent au rythme de tes mains qui font naître d’improbables mélodies étincelantes de mélancolie. J’ai le souffle court à chaque fois que j’ose lever les yeux vers toi et si par hasard nos regards se croisent, mon cœur s’embrase et mes entrailles se glacent en même temps. Le morceau s’intensifie, ton âme s’embrase et la sève parfumée des arbres se met à flamboyer à la manière dont un Astre meurt, harmonie fauve et délicate, portée par le souffle du Temps.
Storm Factory est un album à l’image de ce souvenir qui emprunte plus au rêve qu’à la réalité : suspendu entre deux mondes, d’une timidité quasi maladive, mais qui ouvre grand ses deux bras pour nous envelopper, nous avaler et nous faire goûter son mirage.