J’utilise toujours la même main pour dire au revoir, la gauche, et très souvent elle me démange pour plus que ça. C’est aussi elle qui clôt ma bouche lorsque je veux crier, même si 2 fois sur 3 elle est trop lente et que j’me r’trouve avec une flopée de poignards tranchants prêts à être lancés, dans le mille.

Je crois qu’il est un peu trop tard pour regretter, bientôt il sera l’heure pour tout le monde de se dissoudre —

Lamentable et doux, le hululement d’une chouette me tire de ma rêverie. Me sentant observée par les touristes agglutinés contre leur parasol, je m’étire et me lève, les yeux rivés sur l’océan et son échine mousseuse, piquée par les rayons du soleil d’aout.
La figure couverte jusqu’aux oreilles, une petite fille me dépasse en courant. Son rire s’enfonce dans l’eau fraiche, tourbillon de bulles sur une peau trop claire pour être vraie. Je caresse ma crinière jusqu’à sentir un noeud hirsute, à la pointe de mèches, que je porte à mes lèvres. Gorgés de sel mes cheveux chantonnent et m’égayent, je tire un peu plus fort, une poignée s’arrache et me colle aux doigts.

Une voix grave tombe brusquement du ciel et s’écrase sur mon cahier d’histoire géo. Les grandes vacances sont putain de loin, on est en mars, il flotte non-stop et j’en ai gros sur la patate, et ce vieux con de prof qui me postillonne dessus tout ça parce que j’avais le nez en l’air, mais tu sais quoi, ducon ? si on partait explorer le monde au delà de ces 4 murs grotesques, je crois qu’on irait mieux, et que t’aurais pas à boire entre 2 cours, et peut être même qu’on te détesterait moins.

En fait, peut être que si depuis le début on nous avait laissé le choix, on serait pas là à se bouffer les uns les autres en espérant mourir plus loin.

Je reprends ma guitare, elle qui trainait depuis bien trop longtemps dans un coin de ma chambre. Je gratte quelques accords sortis de nul part et chante un air mélancolico-rigolo. J’ai la vie devant moi et no place to go. Personne m’attend, j’attends rien de personne.

Un petit bateau, les voiles gonflées comme une alouette fait de drôles de cercles sur mon plafond et s’empêtre dans mon lustre. Je ferme les yeux, comme si je roupillais, et m’imagine à une fête de lycée.

Il est minuit pile, l’alcool ramené en douce par les plus téméraires monte aux têtes et les pas sur la piste de danse se font plus assurés. Le reflet blanc du jour n’est plus qu’un vague souvenir, les Ténèbres entrecoupés de néons ont englouti les silhouettes.

Je suis fringuée comme un rocker des années 60 et gigote comme tel, possédée par les Anciens, je braille dans le micro et flagelle les cordes de ma gratte comme si c’était le dernier concert de tous les temps.

The war is over, ce soir tu es à moi.
Une ombre, peut-être, un souvenir, mais mon souvenir à moi, intact et magnifique, et je compte bien en profiter tant que mon coeur battra.

Cage The Elephant pour revivre un peu de cette époque à laquelle je tiens tant, avec quelques tracks vraiment tueuses, Broken Boy, Black Madonna, Tokyo Smoke et Goodbye en tête de liste.